Gestalt-thérapie, situation, Gestalt-analyse
La Gestalt-thérapie
Bien que fortement imprégnée de la théorisation freudienne, la Gestalt-thérapie s’en distingue par son allègement de la référence métapsychologique au profit d’une phénoménologie de la situation thérapeutique.
La théorie est organisée autour du concept de self envisagé comme processus de contact et créateur de formes (gestalt). Toute fonction humaine est appréhendée comme contact avec l’environnement et, de ce fait, dans ses modalités dynamiques, temporelles et situationnelles. La psychopathologie qui en découle considère les modalités de rétrécissement du champ d’expérience sujet/environnement, les altérations du contact, les pertes de la capacité d’ajustement créateur, les dysfonctionnements de la conscience.
La méthode et les modalités de pratique qui en découlent se centrent donc, d’instant en instant, sur l’analyse du contacter et de la construction de sens. Le Gestalt-thérapeute contribue ainsi à élargir la conscience du patient dans un va-et-vient entre les contenus évoqués par ce dernier et l’ici-maintenant de la situation thérapeutique. Si la parole demeure privilégiée, l’attention au corps (sensations, gestualité, posture etc.), aux affects et aux émotions s’intègre à l’analyse du cours de la présence. La méthode phénoménologique trouve ainsi une application incarnée au travers de l’explicitation, de la mise à jour du « comment » le patient fait ce qu’il fait, de préférence au « pourquoi ». L’engagement actif du thérapeute contribue à la co-construction de sens et de formes existentielles.
La perspective de champ situationnel
Dans la préface à l’édition française du PHG, Jean-Marie Robine écrit : « Précurseurs encore, les auteurs ne cherchent pas à fonder leur approche sur une quelconque métapsychologie, bien qu’ils permettent souvent au lecteur de percevoir l’admiration – non dénuée de critiques — qu’ils portaient à Freud. Ils s’appuient plus volontiers sur une anthropologie, une conception de l’homme-dans-le-monde, mais aussi et peut-être surtout, sur la situation thérapeutique même. S’ils empruntent à la psychanalyse certains de ses concepts, ils les redéfinissent en les ouvrant à la perspective de champ situationnel. Ainsi le « ça » freudien, réservoir premier de l’énergie pulsionnelle, fait-il place au « ça de la situation », confirmant ainsi de manière exemplaire le changement de paradigme opéré. La psychothérapie n’est ainsi plus définie comme la mise en application par un expert d’un savoir constitué qui s’exprimerait au travers d’interprétations ou autres actes de spécialiste ; elle est d’abord et avant tout situation, situation de contact, ici et maintenant, « réalité » aussi bien que métaphore ou métonymie du passé, du futur et de l’ailleurs. Si l’homme est créateur de situations en même temps que créé par les situations, la psychothérapie peut en être une sorte de laboratoire : le développement de la conscience des contacts, de ses interruptions et flexions confirmera la méthode de la Gestalt-thérapie comme application de la phénoménologie au domaine de la clinique et, osons l’affirmer, comme véritable analyse du dasein. »
La Gestalt-analyse
Par ailleurs, dans l’un de ses ouvrages, « La Gestalt-thérapie, cinquante ans plus tard » Jean-Marie Robine écrit : « Le Gestalt-thérapeute (ou « Gestalt-analyste » comme les fondateurs avaient envisagé de le nommer à l’origine) accompagne le cours de la présence. Il contribue à la construction de figures à partir des matériaux que le client apporte ou vit dans l’ici et maintenant de son expérience. En s’appuyant sur l’explicitation ou le dépli de l’expérience chers aux phénoménologues, il permet l’intensification de la conscience immédiate et intégrative, la mise à jour des flexions du contacter, c’est-à-dire des interruptions momentanées de l’ajustement créateur au profit de routines, de fixations et autres amputations du contact dans l’expérience en cours, dans la situation co-créée. »
La Gestalt-analyse est une approche holistique du changement humain centré sur le processus dialogal, phénoménologique, existentialiste et basé sur la théorie du champ situationnel. Elle se centre sur le contact, la conscience, la réactivité personnelle et la responsabilité. La Gestalt-analyse se préoccupe de la vitalité, de l’excitation, de la conscience des choix dont dispose chacun pour créer sa vie.
Dans le livre fondateur, « Gestalt thérapie » de Perls, Hefferline et Goodman (PHG) les auteurs nous donnent une définition de la thérapie : « La thérapie consiste alors à analyser la structure interne de l’expérience réelle, quel que soit le degré de contact qu’elle possède. Non pas tant ce que l’on expérimente, ce dont on se souvient, ce qu’on fait ou dit, mais comment on se souvient, on dit, on fait ; l’expression du visage, le ton de la voix, la syntaxe, la posture, l’émotion, l’omission, le respect ou le manque de respect de l’autre etc. En travaillant sur l’unité et le manque d’unité de cette structure de l’expérience, ici et maintenant, il est possible de reconstruire les relations dynamiques de la figure et du fond jusqu’à ce que le contact soit accru, la conscience éclaircie et le comportement stimulé. Mais surtout, la réalisation d’une Gestalt forte est en elle-même curative, car la figure de contact n’est pas simplement un signe mais est en soi l’intégration créative de l’expérience. (PHG chap. 1 p.55)
La thérapie est une analyse de la Gestalt, c’est à dire une Gestalt-analyse. Elle est essentiellement « une sorte d’investigation phénoménologique » comme la définissait Georges Wollants. Pour lui, le domaine propre de la Gestalt-analyse est la situation et son but est « d’aider les clients à retrouver la liberté de répondre de manière adéquate aux exigences de la situation, en d’autres termes, de mettre en forme (d’organiser) leur interaction avec l’environnement de telle façon que la relation remplisse les exigences de la situation totale, et de rendre le client capable d’achever les tâches de développement qui ont été arrêtées ».