5 octobre 2021

Le ressentiment serait-il un mal de notre temps ?

Cynthia Fleury, philosophe et psychanalyste, nous alerte sur ce virus hautement contagieux dans son livre « Ci-gît l’amer, guérir du ressentiment », paru en octobre 2020. Je l’ai découvert à l’occasion de l’émission de Charles Pépin, Sous le soleil de Platon, le 5 août dernier sur France Inter, à réécouter en podcast (https://www.franceinter.fr/emissions/sous-le-soleil-de-platon/comment-guerir-du-ressentiment-avec-la-philosophe-cynthia-fleury). Il évoquait avec Cynthia Fleury un propos selon moi d’utilité publique.

L’amer est l’une des saveurs de la vie, inhérente à notre condition d’humains et notre rapport à la perte. On ne pourra échapper à l’expérience de la tristesse, la frustration ou la colère. Le ressentiment signe l’échec de la sortie de crise. Il se fabrique et s’entretient par la rumination. Au départ on en veut à une personne ou un événement en particulier, on ressasse. À chaque mastication, l’hostilité se généralise et le pouvoir d’agir se réduit. Plus la haine fait tache d’huile, plus elle abîme le discernement et la capacité de ressentir sans confusion, toutes les saveurs de la vie. Tout a le même goût, tout le temps : amer.

Triste sort pour un individu mais imaginez-le à l’échelle de la société. Si Cynthia Fleury évoque le fascisme comme une des traductions politiques du ressentiment, elle nous explique aussi en quoi l’aventure démocratique nous confronte à un risque élevé de rumination généralisée. Tendre vers un idéal d’égalité suppose, plus que jamais, une éducation à la frustration. Sans cette école, le sentiment d’avoir droit à, combiné à l’opportunité incessante de se comparer sur les réseaux sociaux mène tout droit sur le chemin du ressentiment. Les mêmes réseaux étant aussi des chambres d’écho de nos frustrations, ils amplifient l’animosité.

Alors comment guérir ?

« L’amer, il faut l’enterrer. Et dessus fructifie autre chose. » Il s’agit de supporter le fait qu’il n’y aura pas toujours réparation, et donc créer un après qui ne pourra ressembler à l’avant. C’est une affaire de créativité et de responsabilité. Cela suppose en effet d’accepter qu’il nous appartient d’en faire quelque chose en expérimentant « la voie artiste » de nous-mêmes pour sublimer le tragique de nos existences. Pour nous aider, misons sur l’éducation, la culture, le soin et protégeons-nous les uns les autres. Ceci n’est pas un message de Santé Publique France.

Myriam